Les légendes d’une danse mythique, d’un sculpteur et d’une étoile étaient réunies dans ce bronze.

Conçue par Eugène Printz (1879-1948) et réalisée par son collaborateur Jean Saint-Georges, l’enfilade laquée noir trônant en page 62 de la Gazette n° 39 changeait d’intérieur à 45 080 €. Le rideau de scène s’ouvrait ensuite en grand sur deux créations de Séraphin Soudbinine, un artiste d’origine russe installé à Paris avant même la Révolution, en 1904 – après que le mécène Savva Morozov lui eut accordé une bourse. L’année suivante, le danseur et chorégraphe Michel Fokine (1880-1942) crée pour Anna Pavlova (1881-1931) La Mort du cygne, sur un mouvement du Carnaval des animaux de Camille SaintSaëns. Ce solo, dansé pour la première fois au théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg en 1907, est appelé à devenir mythique et son interprète, jeune étoile du Ballet impérial russe, en sera le visage. Elle l’incarnera jusqu’à la fin de sa vie, l’exportant sur les scènes du monde entier, contribuant ainsi à écrire sa légende. En 1913, Soudbinine, ayant livré plusieurs statuettes de danseuses des ballets de Diaghilev pour la manufacture impériale pétersbourgeoise et qui immortalise des personnalités russes de son temps, décide de fixer dans un buste l’instant fatidique où le cygne, vaincu, pose dignement sa tête entre ses ailes et accepte la mort. Des photographies anciennes montrant les séances de pose sont reproduites dans Seraphim Soudbinine at The Turning Point : from Art nouveau to Art Deco d’Ekaterina Khmelnitskaya (éditions Tabula Rasa, Saint-Pétersbourg, 2010). Une épreuve en bronze de cette œuvre, portant le cachet d’Alexis Rudier et un numéro «01», faisait un joli entrechat de 50 232 €, quintuplant l’estimation initiale. Acclamée, la ballerine réapparaissait au numéro suivant avec une statuette en bronze patiné vert antique (h. 40 cm), la montrant en bacchante, son pas léger suscitant 10 304 €. Ces deux sculptures provenaient d’un descendant de Pierre Pitoëff (1880-1962), célèbre costumier de théâtre d’origine russe. Le soir de la mort de la Pavlova, à La Haye en 1931, les violons du théâtre Mariinsky avaient joué La Mort du cygne devant une scène vide.

MARDI 7 NOVEMBRE, SALLE 1 – HÔTEL DROUOT. NICOLAS NOUVELET COMMISSAIRE-PRISEUR OVV. M. EYRAUD